Le sorcier Bilongo
Publié le 27 Novembre 2012
Au sud du monde, au delà de la nuit, le sorcier Bilongo a attaché la pluie à la fourmilière.
La fourmilière est haute et large comme un éléphant, la pluie ne bouge pas.
Le sol argileux est crevassé , sec comme une feuille morte craquant sous le pas, même la lionne ne chasse plus l'antilope.
Sous le manguier, à l'ombre de la sécheresse, le bâton à palabre crépite son temps de parole. Les vieux savent la colère du sorcier Bilongo
El hadj dit " La terre n'a qu'un soleil et plus de pluie " .
"Appelons les blancs, ils creuseront le puit plus profond" dit un jeune.
"Les blancs ont tous des montres, mais pas de temps" répond el Hadj.
Les vieux hochent la tête gravement, grommelant, mastiquant leur noix de cola.
" Le vieil éléphant lui même ne sait plus où trouver de l'eau " reprend le jeune.
" Au marigot, le coassement des grenouilles s'est tu " dit un autre...
Le baton à palabre se retourne, sablier à millet de paille tressée, de paroles tissées...
"il faut "cadeauter" le sorcier ,va chercher la poule" dit soudain el Hadj.
Les femmes gesticulent, les calebasses à eau reviennent du puit boueuses.
Une poule fixe de son oeil rond, un grain de mil dans la poussière oublié, elle lance sa tête subitement comme si elle se surprenait elle même, le pique. Elle n'a pas vu l'homme qui la saisit et pédale maintenant de toutes ses pattes pendue par son cou à la main imperturbable.
Le couteau et le marabout, le sang qui rougit plus encore la latérite et les mains présentées au ciel, la cuillère à pot parée d'accessoires féminins, quelques colifichets en offrande, trois fétiches de pluie puis le tam-tam, le tam-tam qui vibre la poussière soulevée par le pas des danseuses.
Les enfants aux ventres ronds comme des calebasses, nombrils turgescents, chassent les mouches au coin de leur bouche et observent le rituel, impavides.
Quelques chiens, la peau en linceul sur leurs cotes efflanquées, rodent.
Le sorcier Bilongo apparait, de derrière les natte-charganiers, de ses doigts trempés dans le sang mêlé de terre, il trace sur sa face scarifiée quelques lignes sombres, ramasse nonchalamment les offrandes, puis rejoint les anciens sous le manguier.
Le soleil s'accroche encore de quelques doigts de couleur flamboyante au ciel rougeoyant, la fourmilière disparait dans le couchant, demain la pluie reviendra.
PH.