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Publié le 3 Février 2016

L'école du rond-point.L'école du rond-point.
L'école du rond-point.L'école du rond-point.L'école du rond-point.

Dans mon école le sol de la cour de récréation était de terre battue, le préau jusqu'à mi-mur repeint de sa poussière jaunasse. Les bâtiments tout autant, disséminés deux à deux dans ce terrain vaguement clôturé d'un grillage éventraillé ici ou là, raccourcis buissonniers, plus pour sortir que pour entrer.

Dans mon école, la cloche qui rythmait nos vies d'écoliers, était encordée sous une branche de manguier, c'était une jante de voiture que l'on frappait d'une barre d'acier.

J'avais 6 ou 7 ans, toujours en t-shirt-short-sandales sous les acacias épineux, une gourde rouge-bidon-métal au bouchon en clapet comme sur les bouteilles de limonade, j'avais 6 ou 7 ans en CE2 ou en CM1, des BN pour la récré ou, quelques piécettes pour courir au portail où d'autres enfants nu-pieds-t-shirts-déchirés nous vendaient des glaçons au sirop de coca, faits avec l'eau du fleuve, dans des glacières improbables; des concombres ronds coupés en quatre saupoudrés de pili-pili, des chewing-gum au gout de pétrole ou de fabuleux " fangassous" bien huileux.

Dans mon école, M Larose, notre maître, nous distribuait des bons points et des coups de règle métallique, carrée, sur le bout des doigts, du haut de son estrade brute de ciment, dans le chuintement lancinant des deux ou trois ventilo qui brinquebalaient dangereusement au plafond.

Dans mon école nous étions 5 ou 6 blancs, dans la classe aux pupitres antédiluviens, gravures rupestres de l'époque coloniale, chewing-gum durcis moutonnant par dessous, encriers craquelés d'encre Waterman, buvards odorants roses, colle envoutante à l'amande, plumes sergent-major...

Non, l'encre dans l'encrier ,c'était plus avant, sans doute avions nous les premiers bics, car sur la gomme Mallat, j'écrivais mes premiers mots doux, P+C =AE , protégés des regards par l'enveloppe de carton, que je passais à Carole D., cheveux noirs de jais, longiligne, cicatrice à la tempe gauche, peau ambrée, premiers émois, premiers bécots.

Nous étions placés en classe selon nos résultats, du premier au dernier, de devant à derrière, de haut en bas... Sur le coté les nacots métalliques toujours entrouverts dispensaient parfois un filet d'air qui décollait nos avant-bras moites de nos copies.

Dans mon école, les filles jouaient à l'élastique sous le préau et les garçons au gendarmes et aux voleurs, ou à zibouli-ziboula-stop sous le regard placide des chèvres maigrichones du terrain mitoyen.

L'éponge mouillée volait dans la classe pour éteindre un bavardage, ou le morceau de craie fusait, avant que d'être mis au coin.

C'était ainsi, les genoux raccommodés de croute coagulée , les pointes des kapokiers plantés dans les semelles, les cheveux en bataille, le cartable et la trousse pas encore tagués, les fessées et le martinet au retour si le carnet ...

C'était il y a bien longtemps à l'école du rond-point à Fort-Lamy au bord du Chari.

PH.

Rédigé par Nathanaël

Publié dans #Afrique

Publié le 20 Décembre 2012

Une spéciale dédicace,

A mon ami Jonas,

Qui a l'audace,

De sortir de l'impasse,

De cette curiosité,

Donnée comme un défaut crasse

Alors qu'en l'humanité,

Elle est aussi la trace

D'un véritable intérêt.

Alors sortie de ma calebasse,

Voici mon Africaine carcasse.

PH.

Réponse à Jonas : " il y a toujours une histoire... " suivre le commentaire : ICI ( ! )

Mon lien à l'Afrique palpite dans mon sang tam-tam et sous mon pied nu c'est la terre de la savane qui affleure.

De Jean-François et Simone, jeunes aventuriers au fin fond du Gabon, je suis issu, il y a 47 ans. Conçu dans la touffeur tropicale à Port-Gentil, petit village où deux ou trois centaines de blancs expatriés vivaient, dont ma grand-mère maternelle, Italienne qui y avait fuit son mari et avait ouvert un fameux restaurant " Le Provençal " .

Né à Nice de cette mère là, berceau familial de son coté, et pas à coté de mon grand-père François Maïstre, je retournais au Cameroun, à Garoua, dès l'âge de trois mois, où m'attendaient les fennecs au fond du jardin, c'est à dire à l'orée de la brousse.

Le père Noël, premier souvenir de mes trois ans, venait à dos de chameau , le sapin était une branche d'épicéa épineux et quelques boules de coton hydrophile symbolisaient la neige que je n'ai rencontrée qu'à seize ou dix sept ans.

Au bord des routes, les grosses pierres alignées, et le bas du tronc des flamboyants, étaient peints de blanc. La nuit , allumés du pinceau des phares de la 404 Peugeot de mon papa, ils me regardaient effarés.

Mes amis furent les arbres, la brousse, le danger insoupçonné, et mes camarades de classe où j'étais parfois le seul blanc.

Sous le boukarou, couvert de charganiers, je faisais la sieste Africaine de chaleur écrasé, et sous la moustiquaire le soir je m'endormais au vrombissement du ventilateur grinçant, lancinant sa ritournelle endiablée, tandis que les hyènes ricanaient au bout de la nuit.

Le dimanche parfois, à cinq ou six ans, toujours debout, jamais assis, dans la land-rover cahotante, j'accompagnais mon papa, chasser l'éléphant, qui sur les bords de la Bénoué ravageait les plantations.

Garoua, N'gaoundéré, Douala au Cameroun, puis N'djaména au Tchad, la guerre rebelle, les rapatriements, leur divorce, enfin Port-Gentil de nouveau, puis Libreville pour Le Baccalauréat, en passant par la Mauritanie: Nouakchott et Nouadhibou, le sable partout. La cote d'Ivoire, Abidjan, le Sénégal... Quinze déménagements en dix-huit ans, et toujours la chaleur poussiéreuse de ce continent environne mes souvenirs brinquebalés dans le tiroir tribal de mon âme latéritique.

La lecture, aussi mon ami Jonas, découverte vers onze ou douze ans, avec Robinson Crusoe, sur la natte de paille, sous le kapokier, au coté de Jean T'chibanga le scarifié. Une nuit blanche-pages, une nuit de Robinson sur l'île de mon livre, une lecture îlienne toujours à portée de pirogue.

Merci Jonas de ton amical intérêt, tu trouveras dans la catégorie "Afrique", quelques écrits que j'exhume de temps en temps de ma mémoire tropicale.

A vous autres aussi, merci de votre lecture, merci simplement d'être passés par ici.

Nathanaël.

Rédigé par Nathanaël

Publié dans #Afrique

Publié le 27 Novembre 2012

Photo: inconnu

Photo: inconnu

Au sud du monde, au delà de la nuit, le sorcier Bilongo a attaché la pluie à la fourmilière.

La fourmilière est haute et large comme un éléphant, la pluie ne bouge pas.

Le sol argileux est crevassé , sec comme une feuille morte craquant sous le pas, même la lionne ne chasse plus l'antilope.

Sous le manguier, à l'ombre de la sécheresse, le bâton à palabre crépite son temps de parole. Les vieux savent la colère du sorcier Bilongo

El hadj dit " La terre n'a qu'un soleil et plus de pluie " .

"Appelons les blancs, ils creuseront le puit plus profond" dit un jeune.

"Les blancs ont tous des montres, mais pas de temps" répond el Hadj.

Les vieux hochent la tête gravement, grommelant, mastiquant leur noix de cola.

" Le vieil éléphant lui même ne sait plus où trouver de l'eau " reprend le jeune.

" Au marigot, le coassement des grenouilles s'est tu " dit un autre...

Le baton à palabre se retourne, sablier à millet de paille tressée, de paroles tissées...

"il faut "cadeauter" le sorcier ,va chercher la poule" dit soudain el Hadj.

Les femmes gesticulent, les calebasses à eau reviennent du puit boueuses.

Une poule fixe de son oeil rond, un grain de mil dans la poussière oublié, elle lance sa tête subitement comme si elle se surprenait elle même, le pique. Elle n'a pas vu l'homme qui la saisit et pédale maintenant de toutes ses pattes pendue par son cou à la main imperturbable.

Le couteau et le marabout, le sang qui rougit plus encore la latérite et les mains présentées au ciel, la cuillère à pot parée d'accessoires féminins, quelques colifichets en offrande, trois fétiches de pluie puis le tam-tam, le tam-tam qui vibre la poussière soulevée par le pas des danseuses.

Les enfants aux ventres ronds comme des calebasses, nombrils turgescents, chassent les mouches au coin de leur bouche et observent le rituel, impavides.

Quelques chiens, la peau en linceul sur leurs cotes efflanquées, rodent.

Le sorcier Bilongo apparait, de derrière les natte-charganiers, de ses doigts trempés dans le sang mêlé de terre, il trace sur sa face scarifiée quelques lignes sombres, ramasse nonchalamment les offrandes, puis rejoint les anciens sous le manguier.

Le soleil s'accroche encore de quelques doigts de couleur flamboyante au ciel rougeoyant, la fourmilière disparait dans le couchant, demain la pluie reviendra.

PH.

Rédigé par Nathanaël

Publié dans #Afrique

Publié le 11 Novembre 2012

Image : inconnue.

Image : inconnue.

L'orage Africain trimballe son troupeau de pachydermes en nuages gris et sombres et le vacarme de leur pas de charge, le barrissement sourd de leur nature, leurs défenses d'ivoire étincelant zébrant les cieux furieux...

C'est un roulement lourd d'images sonores où les masses de nimbus éléphantesques font poussière de nuées fuligineuse, les cornes de rhinocéros aux lueurs féroces lacèrent l'horizon tumultueux, les pas d'hippopotames balourds font des roulements de tambours sur la peau tendue du ciel...

Vacarme d'orage Africain, devant lequel les palmiers et cocotiers ploient leur échine de bois, les bananiers sont prosternés, les manguiers dansent de tout leur feuillage et le kapokier en chef fait front...

La terre fait le dos rond, patientant après le xylophone grave des gouttes de pluies qui joueront des percussions sur sa croûte craquelée de sécheresse...

Appoggiature dans le concert de la nature, avant l'apothéose, le grand déferlement...

Alors le grand troupeau céleste s'épanche en océan de houles de rouleaux de vagues de gouttelettes de pluie diluvienne... Crépitement, martèlement sur les toits de tôles des cases, le monde est englouti dans le brouhaha ... Et la terre, la terre embaume, la terre jouit de cette orgie de vie.

Puis viendra le colibri.

PH.

Rédigé par Nathanaël

Publié dans #Afrique

Publié le 7 Novembre 2012

Greniers à mil sous le manguier -Photo perso

Greniers à mil sous le manguier -Photo perso

Cueillie molle et tiède, sa forme épouse la paume.

Un peu de sève encolle son attache et la main qui l'arrache.

Un coucher de soleil dans un océan vert s'est fait de son coté illuminé.

Sa peau résiste un instant à la dent puis s'étire en lambeau et se détache d'un léger coup de tête.

Sur la branche, à califourchon, adossé au tronc, je suis clandestin à l'ombre du soleil.

Elle s'offre à la bouche en un baiser d'aromes et de sucs enivrés, un baiser éperdu de pulpe de lèvres de chair goulue savoureuse, la mangue.

PH.

La mangue

Coucher de soleil sur l'océan vert.

Rédigé par Nathanaël

Publié dans #Afrique

Publié le 7 Novembre 2012

Photo Amboseli

Photo Amboseli

Le bananier tellement ami qu'il me tend sa main...de banane, offre sa large feuille en parasol ou pour cuire le poisson sardine dans le sable au bord de la Bénoué.

Le citronnier vert me garde au sol déjà rassasié tant son odeur embaume, et puis les mange-mil y dorment abondamment.

Le goyavier casse comme du verre, oblige à la légèreté, son craquement sec sans avertissement est toujours sanction, sa goyave se réserve aux roussettes nocturnes.

Le kapokier protégé d'épines grosses comme le pouce ôte l'idée même d'ascension, seul le margouillat le fréquente, et les oiseaux bien entendu, les oiseaux sont les passagers de tout.

Le tamarinier, hospitalier, permet de s'allonger au noeud de ses branches et de suçoter son fruit haricot-aigre-doux-poilu.

Le flamboyant fait un poste de vigie idéal... Si l'on parvient à ses premières branches.

Le cocotier nécessite d'excellents bras et abdo, c'est un arbre sans répit, sa noix se ramasse au sol mais il balance dans le vent tout là haut...

Le papayer, l'oranger sauvage, l'avocatier, le grand laurier-rose, juste des copains.

L'acacia sahélien vivant d'un rien, ses épines et ses fourmis le défendent de même manière, il ne fait don de son amitié de feuilles comestibles qu'à la girafe au koudou et à l'éléphant, ce qui en fait un copain interposé, et puis lui aussi offre son ombre dans la plaine.

Le frangipanier à l'arôme si intense, sirupeux que la tête tourne, sa sève ne s'enlève qu'au sable frotté peau rougie.

Le manguier se défend d'une écorce rugueuse qui entaille mains et pieds nus, griffe l'avant-bras maladroit, mais sa mangue....

Mon corps est réminiscent, souvenirs arborescents.

PH.

Rédigé par Nathanaël

Publié dans #Afrique

Publié le 7 Novembre 2012

Photo perso : le Chari

Photo perso : le Chari

Son visage, beau et raviné de cicatrices bourrelées, larges entailles boursouflées aux pommettes, au front. Yeux au blanc d'ivoire vieillissant, jaunis par la consommation de noix de cola. Dents blanches frottées d'un baton de citronnier , récurées au sable du chari, sourire éclatant.

Jean, le scarifié, de l'ethnie des baguirmiens, tatoué dans sa chair, initié au courage adulte, si fort, si puissant et si doux. Ses gris-gris de cuir tanné, enserrés aux bras, aux chevilles, contre toutes sortes de dangers, de malédictions.

J'avais sept ans en Afrique, il gardait mes nuits avec ses couteaux de jet, ses lances et sa citare archaïque !

J'allais m'allonger sur sa natte de paille, sous le manguier, les chauves-souris faisaient leur inlassable ronde au dessus des hippopotames endormis, le kapokier embrassait toute la terre des bras de ses racines titanesques, Jean Tchibanga psalmodiait en pinçant les cordes de son cordophone, je m'assoupissais à l'abri de tout.

PH.

Rédigé par Nathanaël

Publié dans #ecrits, #Afrique